Demichelis, Hélène: Le scandale aux XIVe et XVe siècles d’après les chroniques contemporaines en latin et en français
Demichelis, Hélène: Le scandale aux XIVe et XVe siècles d’après les chroniques contemporaines en latin et en français
L'étude du scandale aux XIVe et XVe siècles d'après les chroniques contemporaines en latin et en français offrent un panel d'exemples variés permettant l’étude de pratiques ou de discours que l’on peut qualifier d’émotionnels. Ces recherches se tournent vers une histoire politique plus attentive aux acteurs et à leurs émotions qui semblent jouer un rôle important dans l’histoire des pouvoirs. La période connaît des scandales qui retentissent dans toute l’Europe, l’espace des recherches se limite à l’espace français actuel, les autres scandales européens viennent en contrepoint apporter un nouvel éclairage aux affaires françaises.
À partir du XIIIe siècle les définitions théologique et juridique du scandale se fixent. Elles font actuellement l'objet de recherches historiques et sociologiques. La lecture des chroniques permet d'établir une définition donnée par les chroniqueurs qui sort des cadres officiels pour devenir celle de l'auteur, lui-même se faisant le reflet des mentalités de ses contemporains. L'objectif de ces recherches n'est pas de décrire le scandale ou d'en analyser la véracité mais plutôt de retrouver la réalité du scandale tel qu'il est perçu ou vécu par les auteurs des sources et leurs contemporains. Les sociologues posent les bases d'un concept de scandale qui nécessite l'unanimité dans sa condamnation. De plus, les recherches menées sur la papauté montrent que l'Église s'est penchée à partir du XIIe siècle sur la définition du scandale et crée ainsi une culture juridique que les chroniqueurs étudiés n'ignorent sans doute pas. À cela s'ajoute les normes imposées par la société que le scandale met à mal et que le chroniqueur se doit de dénoncer. Le scandale est un événement qui choque les contemporains, ce qui sort de la norme et qui entraîne du bruit et du tapage. Il heurte la morale, cause l'indignation lorsque les affaires sont mises au grand jour. Le but de mes recherches est de rassembler les événements correspondants à cette définition et de mettre en perspective l'ensemble des cas entre eux afin d'aboutir à une typologie du scandale. Les cas doivent être comparés, il faut mettre en évidence des points communs ou des différences dans la façon dont le scandale est abordé dans les chroniques.
Les XIVe et XVe siècles sont une époque de bouleversements des valeurs spirituelles et morales accompagnés d’un éveil de l’opinion publique. L’État se construit et autour de lui une société politique qui constitue, avec le roi, les principaux protagonistes des chroniques. L’appréhension du scandale et sa définition évoluent au fil de cette construction : sous Philippe VI et Jean II, le scandale naît de la violence royale et des actes de tyrannie exercés contre ceux qui remettent en cause leur légitimité. Avec Charles V, les souverains prennent conscience du poids du scandale et veillent à s’en dégager. Le chroniqueur officiel de Charles V justifie avec grand soin ses choix dans un des plus grands scandales de son règne : le Grand Schisme d’Occident. Le scandale devient une arme politique maniée par tous les Grands qui, sous le règne du roi fou Charles VI, se déchirent au cours de la guerre civile qui opposent les Armagnacs et les Bourguignons. Éliminer son adversaire physiquement n’est plus suffisant, il faut le supprimer politiquement et moralement et pour atteindre cet objectif le scandale est l’arme idéale. Les défauts des Grands sont décrits et condamnés, le chroniqueur se consacrant dans ces passages à donner une valeur d’exemplum à ses écrits. Le futur Charles VII en paie le prix et y perd, au moins, pour un temps le trône de France. La guerre contre les Anglais est omniprésente et est souvent la toile de fond des scandales des XIVe et XVe siècles. Les chroniqueurs se font un devoir de dénoncer et de décrire les souffrances qu’implique la guerre pour le menu peuple qui subit aussi les taxes et les excès des Grands. Les chroniqueurs partagent avec leurs contemporains une peur réelle du scandale et de ses conséquences, il faut le dénoncer et le réparer pour échapper à la colère divine que celui-ci peut entraîner.
Spätmittelalter, Frankreich, Begriffe, Wahrnehmung
Moyen Âge tardif, France, termes, perception
