Chiama, Anne: Les cathédrales et la mort en Provence, XIIe – XIVe siècles
Chiama, Anne: Les cathédrales et la mort en Provence, XIIe – XIVe siècles
La Provence médiévale est un espace compris entre le Rhône, le bassin de la Durance, le Var et la Méditerranée, qui se constitue comme un ensemble de plus en plus distinct du royaume de Bourgogne à partir du XIIe siècle. C’est un espace au paysage varié, densément urbanisé et très disputé d’abord entre autorités comtales, mais aussi entre les comtes de Provence et l’aristocratie locale. Nous avons choisi de ne pas intégrer le Comtat-Venaissin dans cette étude car il s’agit d’un espace à part, dont les pratiques et les organisations sont fortement influencées par la papauté.
Les communautés de chanoines provençaux sont majoritairement des communautés séculières qui, comme à Aix-en-Provence, Apt, Digne ou Grasse, sont installées en ville. Les chanoines cathédraux sont chargés d’animer la vie liturgique de l’église cathédrale et d’en gérer le temporel. Cette fonction se retrouve en particulier dans leur pastorale funéraire à travers leur gestion des anniversaires. Il s’agit de fondations effectuées par des particuliers de leur vivant ou par testament, inscrites dans des registres aux formes variées. Ces fondations sont faites en échange de prières pour l’âme des défunts et souvent de leurs parents effectuées par les chanoines à des moments précis, lors de messes d’anniversaires ou lors de la réunion du chapitre par exemple. Pour gérer ces anniversaires et la liturgie qui les accompagne, les chanoines s’appuient sur une communauté cathédrale élargie, constituée de clercs bénéficiers, de curés, de notaires. Chaque communauté a sa propre pastorale funéraire, son propre système de gestion de la mort. Le clergé des cathédrales provençales n’est pas un clergé unifié. Les pratiques dépendent de l’organisation du chapitre lui-même, de sa relation avec l’évêque, du nombre de fidèles, de l’éventuelle concurrence avec d’autres communautés religieuses. Elles évoluent par ailleurs en fonction d’un contexte politique, géopolitique, économique et démographique très fluctuant. La Provence est marquée par les conflits entre dynasties comtales, les pillages de bandes armées et les épidémies, alternant avec des phases de stabilité, de croissance économique et démographique tout au long de la période étudiée.
Un nombre important de sources de nature différente permet de traiter la thématique de la pastorale funéraire dans les communautés de chanoines cathédraux : ce sont des documents nécrologiques, des livres de comptes, des séries notariales, des sources épigraphiques et archéologiques. L’objectif est d’abord de déterminer le coût de la gestion de la mort et de la mémoire des morts pour les donateurs ainsi que les revenus qu’en tirent les communautés canoniales en identifiant d’éventuelles évolutions sur la période étudiée. Il s’agit de voir quels sont les acteurs de ce système de gestion, comment est financée la liturgie funéraire, comment est utilisé le patrimoine d’origine funéraire par les communautés de chanoines. D’un point de vue spirituel, les documents traduisent la manière de commémorer la mémoire des défunts au sein de la communauté. On pourra enfin envisager comment s’organise l’espace liturgique funéraire à l’intérieur des cathédrales et des églises gérées par les chapitres.
Tous ces éléments permettent de replacer les communautés de chanoines cathédraux dans un système de pouvoir et de relations sociales complexe. Les chanoines jouent, au même titre que d’autres communautés religieuses, un rôle central dans la société locale en tant qu’intermédiaires entre l’ici-bas et l’au-delà. Ils polarisent un système d’échanges de différentes natures (flux de capitaux, de dons en nature, de prières) qui leur permet d’exercer un certain pouvoir sur une communauté de donateurs diversifiés qui se préoccupe de l’avenir de leur âme après la mort et de celle de leurs parents. Dans le cadre de cette pastorale funéraire, les communautés de chanoines cathédraux en Provence se trouvent au cœur de systèmes sociaux dont la cohérence est assurée par la gestion de la mort et du salut de l’âme. Il s’agira de reconstituer les rouages et les modes de fonctionnement de ces systèmes. En quoi la gestion de la mort confère-t-elle une place centrale aux chanoines dans la société provençale entre les XIIe et XIVe siècles ? comment ce système de relations fondé sur la pastorale funéraire évolue-t-il au cours de la période étudiée?
Provence, cathédrales, ecclésiastiques, memoria, Moyen Âge tardif / Bas Moyen Âge, livre commémoratif, chapitre de la cathédrale